Elisabeth LACALLE – Soeur Saint-Cybard

A été reconnue "Juste parmi les nations" le 19 septembre 2009

Le titre de « Juste parmi les nations »

« Juste parmi les nations » (en hébreu : חסיד אומות העולם, Hasid Ummot Ha-‘Olam, littéralement « généreux des nations du monde ») est une expression du judaïsme tirée du Talmud.

En 1953, la Knesset (parlement israélien), en même temps qu’elle créait à Jérusalem le mémorial de Yad Vashem consacré aux victimes de la Shoah, décida d’honorer « les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs ». Le titre de Juste est décerné au nom de l’État d’Israël par le mémorial de Yad Vashem. Il s’agit actuellement de la plus haute distinction honorifique délivrée par l’État d’Israël à des civils.

Depuis 1963, une « commission d’hommage », présidée par un Juge de la Cour suprême d’Israël, a été créée pour décerner le titre de « Juste parmi les nations ».
La commission respecte des critères précis et s’appuie sur une documentation méthodique reposant principalement sur les témoignages directs.
Les dossiers permettant d’établir la reconnaissance d’un Juste doivent établir, avec plusieurs témoignages concordants, des faits probants tels que :

  • le fait d’avoir apporté une aide dans des situations où les Juifs étaient impuissants et menacés de mort ou de déportation vers les camps de concentration ;
  • le fait d’avoir été conscient qu’en apportant cette aide, le sauveteur risquait sa vie, sa sécurité ou sa liberté personnelle, les nazis considérant l’assistance aux Juifs comme un crime ;
  • le fait de n’avoir recherché aucune récompense ou compensation matérielle en contrepartie de l’aide apportée.

 

Biographie de sœur ST-cybard

Marie-Elisabeth LACALLE est née le 14 janvier 1885 à Marsous, dans les Hautes-Pyrénées, près de Lourdes.

Elle entre très jeune, le 25 mars 1899, chez les religieuses de Notre Dame des Anges à Puypéroux. Elle n’a que 14 ans. Le 26 août de la même année, elle prend l’habit et devient Sœur Saint-Cybard.
Dotée d’une grande intelligence, elle fait des études secondaires et un début d’études supérieures. En 1901, elle fait sa première profession et débute sa mission de sœur enseignante à Abzac (Gironde).

Cette école fut fermée en 1903 par décision du gouvernement COMBES. De 1903 à 1918 elle est à Bègles, dans la banlieue bordelaise, en qualité d’abord d’institutrice puis de directrice de cet établissement pendant deux ans.

Monseigneur ARLET, successeur de Monseigneur RICARD, qui n’admettait personne à des petits vœux, eut la joie de recevoir les 26 et 28 août 1908 les vœux perpétuels de douze religieuses, dont Sœur Saint-Cybard. Dès le lendemain, cette dernière se sécularisa afin de pouvoir poursuivre sa mission d’enseignante. Elle redevint Melle LACALLE.

A la rentrée 1918, elle est à Angoulême, à l’Institution Saint-André. Elle y est nommée directrice et succède ainsi à Madame CHARBONNAUD. Elle y demeurera jusqu’en juillet 1942.

Sa direction avisée et ses remarquables qualités d’enseignante donnent un nouvel essor à cette école. Bientôt, les locaux deviennent trop étroits pour accueillir les élèves, il faut agrandir et moderniser l’établissement.

Le 10 octobre 1933, elle achète le n°13 de la rue du Soleil à la Famille MIGNOT pour la somme de 50.000 francs. Cette maison qui jouxte l’institution lui permet, dans les années qui suivent, d’aménager au rez-de-chaussée une salle de physique, qui plus tard deviendra le réfectoire des religieuses, un petit parloir et une buanderie au 1er étage, une grande salle d’études, et au second étage un dortoir moderne et, enfin, d’agrandir la cour.

En 1939, elle fait construire et aménager un local au 1er étage dans la partie ouvrant sur la rue Taillefer pour y accueillir le jardin d’enfants. Au cours de la guerre 1939/1945 le gouvernement PETAIN autorise les religieuses à reprendre l’habit, Mademoiselle LACALLE redevient alors Sœur Saint-Cybard.

Juillet 1942 voit sa mission angoumoisine s’achever et au mois d’octobre 1942 elle est nommée à Lesterps, dans le Confolentais, directrice de l’école Sainte-Bernadette, école fondée en 1852 par les Sœurs de Notre Dame des Anges. Elle y demeurera jusqu’en 1958 sauf l’année scolaire 1944/1945 passée à l’école Saint-Gauthier de Confolens.

A Lesterps, elle ne se contente pas de diriger son école, elle se dévoue aussi sans compter à la population.

Les jeudis et les dimanches après-midi, elle parcourt la campagne environnante telle une petite sœur des pauvres, étant tour à tour infirmière, conseillère, secrétaire, consolatrice elle se bat contre la misère. Infatigable, elle ouvre un atelier de travaux d’aiguilles qui « pourvoit à l’entretien des ornements sacerdotaux et du linge d’église, ainsi qu’à la confection d’articles pour la kermesse de l’école ».

D’autre part, elle monte une troupe théâtrale d’adultes composée de parents d’élèves ainsi qu’une chorale pour les jeunes de la paroisse. Elle assure elle-même les répétitions des chants pour la messe du dimanche et la préparation des fêtes.

Elle n’en néglige pas pour autant son école. En 1952, elle la dote d’un nouveau bâtiment qui est inauguré le 18 mai. A cette petite fête quelques religieuses de l’institution Saint-André et d’anciennes élèves sont présentes.

Il en est de même le 5 décembre 1954, lorsqu’à Lesterps on célèbre le centenaire de l’école Sainte-Bernadette et le jubilé de notre Sœur Saint-Cybard.
Au cours de cette cérémonie, Monsieur BOUCHAUD – Vicaire général – sut louer avec délicatesse cette jubilaire qu’il avait pu apprécier à l’école d’Angoulême.
Malgré une activité débordante Sœur Saint-Cybard mène une vie ascétique, s’alimentant peu et mal.

En 1958, elle quitte Lesterps pour d’autres missions, d’abord à Aigre et encore à Salles d’Angles puis elle regagne Puypéroux où elle décède le 1l avril 1969 après 70 ans de vie religieuse intense.

 

Son action personnelle

Sœur Saint-Cybard participait à des opérations clandestines menées par la Résistance française et ses supérieurs jugèrent que le village de Lesterps était suffisant à l’écart et ne courait pas de risque.

En janvier 1944, l’épicier de Montbron, qui connaissait la Sœur, la contacta pour lui demander d’accepter dans l’école une petite fille juive de cinq ans. La Sœur accepta. La fillette s’appelait Josie Lévy, fille unique de Sylvain et Erna Lévy, des Juifs allemands d’Alsace-Lorraine qui avaient trouvé refuge à Montbron.

Josie arriva à l’école et fut introduite comme Josie L’Or, la nièce de la Sœur Saint-Cybard. Elle ne dormait pas dans le dortoir avec les autres filles, mais dans la chambre de sa «tante». Cependant elle suivait les cours était en classe avec les autres filles, comprenant l’instruction religieuse et les prières.
Durant les huit mois qu’elle passa à Lesterps, Josie resta sous l’œil vigilant de Sœur Saint-Cybard, qui s’assura que personne à l’école n’avait découvert le secret de la petite fille.

Après la guerre, Josie découvrit qu’un des professeurs était une collaboratrice nazie et si sa véritable identité avait été connue, sa sauveuse et elle auraient couru un grand danger.

Les parents de Josie vinrent la reprendre après la Libération et en 1947 la famille émigra aux USA.

En 2002, celle qui était devenue Josie LEVY-MARTIN  écrivit le livre « Never tell your name » (Ne dis jamais ton nom) dans lequel elle raconte, de son point de vue de petite fille, les mois qu’elle avait passés aux bons soins de Sœur Saint-Cybard.

 

La reconnaissance et la cérémonie officielle

Le 19 septembre 2009, Yad Vashem ( Institut International pour la Mémoire de la Shoah) , a décerné le titre de Juste parmi les Nations à Marie-Elisabeth Lacalle, Sœur Saint-Cybard en religion.

Le 7 novembre 2010, cette distinction a été remise à ses petits-neveux lors d’une cérémonie officielle émouvante à la salle des fêtes de LESTERPS, en présence de:

  • Michel HAREL, ministre des affaires administratives de l’Ambassade d’Israël à Paris
  • Natan HOLCHAKER, Délégué régional Yad Vashem Aquitaine
  • Les petits neveux de Soeur St Cybard
  • Jacques THIBAUT, Maire de Lesterps
  • Laurent ALATON, Sous-préfet de Confolens
  • Jean-Noël DUPRE, Jean-Louis DUTRIAT,  Henri DE RICHEMONT ,  Nicole BONNEFOY, Michel BOUTANT,  Guy TRAUMAT, Gérard DESHOUANT, Christian FAUBERT, élus locaux
  • Mr Claude DAGENS, Évêque d’Angoulême, Membre de l’Académie Française et Michel FERNANDEZ, Curé de la paroisse de Confolens
  • Patrick RULLAC et Pierre BESSE, représentants des anciens combattants
  • Jean-Michel STOURDZE, Fils de Marcel STOURDZE, déporté
  • Claude MAMAN, Grand rabbin honoraire du Sud-Ouest et Jacques NADAM, Charley DAÏAN et Michel GUGENHIEM, représentants des Consistoires de Limoges & Tours
  • Bernadette LANDREAS, traductrice en français du livre « Ne dis jamais ton nom »
  • Daniel SOUPIZET, cheville ouvrière dans le dossier de reconnaissance
  • Jean-Marie BOUTINOT et la troupe de Pause Théâtre, ayant créé et interprété une pièce basée sur le livre « Ne dit jamais ton nom »

 

Émission radio France Bleue (Nov 2010) avec la troupe Pause Théâtre :

 

La page dédiée à Sœur St Cybard sur le site du comité français YAD VASHEM: https://yadvashem-france.org/dossier/nom/11677/

 

 

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